Vous connaissez le Transiscope ? Ce portail web des alternatives se construit avec un collectif de 12 réseaux et associations dont le Collectif des associations citoyennes. Il organise régulièrement des Transiscothons pour faire avancer le projet qui vise à recenser et cartographier, via des outils libres, les alternatives sur les territoires pour mieux les relier et les renforcer.
Mais qu’est-ce qu’une alternative ? Parmi les multiples travaux du Transiscope, la maturation de la charte qui la définissait a fait l’objet de nombreux débats. L’un d’eux portait sur l’ouverture ou non du périmètre des alternatives aux entrepreneurs sociaux et le remplacement du mot « alternatives » par « initiatives » (possiblement entrepreneuriales). Au Collectif des associations citoyennes, notre long travail sur la marchandisation, nous amène à estimer que le vocable « entrepreneuriat social » n’est pas neutre. Popularisé par le fondateur d’Ashoka, Bill Drayton, dans les années 80, il appelle à une hybridation entre associations et entreprises. Bill Drayton vient notamment du cabinet Mc Kinsey et son organisation Ashoka encourage la création d’un écosystème favorable aux entrepreneurs sociaux appelés à changer le monde sans remettre en cause le système économique dominant.
Le discours porté par l’entrepreneuriat social efface l’alternative plus radicale
L’irruption de l’entrepreneuriat social dans l’économie sociale et solidaire marque une vision particulière. Si l’ESS pouvait porter une potentielle critique des fondements de l’économie capitaliste, ce modèle d’entreprise, a contrario, s’adapte à l’économie de marché, à ses exigences de lucrativité, de concurrence, de rentabilité. Le discours porté par l’entrepreneuriat social efface l’alternative plus radicale proposée par l’économie solidaire. Or, aujourd’hui, le terme d’économie sociale et solidaire se confond souvent, notamment dans la bouche du gouvernement, avec les entrepreneurs sociaux. Cette confusion est encouragée entre autres par la loi Hamon qui, en 2014, faisait officiellement entrer l’entrepreneuriat social dans le champ de l’ESS.
Dans ce contexte, il nous semble important de défendre cette notion « d’alternatives » telles qu’elle est inscrite dans la charte actuelle du Transiscope. D’autant plus important, que la loi Hamon va être révisée par le gouvernement et que la pression exercée par l’entrepreneuriat social via le Mouvement Impact France vise à élargir encore le champ de l’ESS, notamment pour y faire entrer la notion d’entreprise à impact ou, comme nous l’avons développé dans l’article précédent, des entreprises « en transition ».
Qu’indique la nouvelle charte de Transiscope ?
Il nous semblait essentiel que le Transiscope se préserve de ce grand flou, ce qu’il a fait en gardant dans sa nouvelle charte la notion d’alternatives.
La charte indique désormais que le Transiscope « agrège des alternatives au modèle économique capitaliste qui proposent des réponses concrètes au niveau local comme global pour s’engager vers une bifurcation écologique et une justice sociale, les deux étant interconnectées ».
Ces alternatives qui prennent « leurs décisions indépendamment de tout parti politique ou institution religieuse », peuvent être :
- « d’origine citoyenne et gouvernées par des citoyen⋅ne⋅s, c’est-à-dire des individus ou des groupes d’individus
- d’origine publique avec une gouvernance multipartite donnant un pouvoir significatif aux citoyen⋅ne⋅s et usager⋅e⋅s
- d’origine « coopérative » »
Cette charte permettra ensuite d’affiner le recensement et la cartographie des membres du Transiscope pour rendre visible ces alternatives et éviter la confusion avec des initiatives entrepreneuriales qui ne revendiquent pas les mêmes exigences en terme de gouvernance, non-lucrativité, justice sociale et environnementale.
👉 Un article tiré du Klaxon #14 – mai 2023